jeudi 13 février 2014

Une réponse courageuse à la censure

C'est un secret de Polichinelle de dire que le régime des mollahs iraniens est foncièrement contre la culture, les arts et la littérature. L'Iran est un pays où les gens n'ont pas le droit de danser, où les chanteuses n'ont le droit de chanter que pour des femmes sans pouvoir diffuser leurs chansons sur quel que support que cela soit, où les livres ne peuvent être publiés que lorsque les censeurs les auront lus, où dans les films les femmes sont voilées même quand les scènes se passent dans des espaces où elles sont seules avec leurs "maris" acteurs! Etc. etc.
Mais l'Iran est aussi un pays où les gens résistent, les chanteurs et chanteuses de rap, de rock et d'autres n'ont jamais été aussi propices que maintenant. Hélas beaucoup d'entre elles et eux, pour la plupart nés après l'avènement néfaste de la République islamique, doivent quitter le pays pour s'exprimer. Même de l'étranger elles et ils ont un succès fou auprès des jeunes et moins jeunes. Shahin Nadjafi est un chanteur de rap et de rock d'une trentaine d'année qui se déclare ouvertement "chanteur anarchiste". Il a un succès artistique incroyables de telle sorte que ces "fans" écrivent son nom ou des paroles de ses chansons sur les murs en Iran. Saye Sky est une rappeuse d'une vingtaine d'année. Lesbienne, elle a déjà chanté plusieurs chansons pour exprimer son orientation sexuelle, inimaginable il y a une trentaine d'années.
Mis à part ces chanteuses et chanteurs de nouvelle génération, il y a aussi d'autres personnes qui résistent à l'appareil infernal de censure malgré toutes les pressions. Le Centre des écrivains d'Iran est un groupe d'écrivains et de traducteurs qui a été fondé en 1968, en pleine dictature monarchiste. De nombreux révolutionnaires et d'intellectuels épris de liberté ont été et sont membres de ce Centre. Selon sa charte fondatrice, il défend la liberté d'expression sans condition et sans limite. Les soirées de poésie que le Centre a organisées en 1978 ont bien été parmi les actes déclencheurs qui ont mené à la révolution de 1979 aboutissant au renversement du régime du chah un an plus tard.
Le régime des mollahs a bien évidemment interdit le Centre des écrivains. Il y a quelques jours le vice-ministre de la culture et de la guidance islamiques, ce ministère qui ne fait que censurer la culture, a dit que le Centre pourrait avoir des activités légales s'il "change de peau"! Le Centre des écrivains d'Iran vient de publier un communiqué qui a pour titre: Celui qui doit changer de peau est le gouvernement et pas le Centre.
Le communiqué rappelle sa charte, sa résistance contre le régime du chah et le fait que c'est bien pendant ces trente dernières années où plusieurs de ses membres ont été exécutés ou assassinés. Il rappelle que plusieurs fois le régime n'a même pas autorisé l'assemblée générale du Centre, entre autre en 1998 et 2002.
Un passage de la réponse du Centre des écrivains d'Iran mérite la traduction entière:
Contrairement aux partis politiques qui veulent prendre le pouvoir, le Centre n'en a jamais voulu et n'en veut toujours pas. Il est complètement différent des partis politiques. Ses membres sont écrivains et ne pensent qu'à la liberté d'expression et à la fin de la censure. Comme le Centre ne veut pas prendre le pouvoir politique, il n'obéit à aucun État ni parti. La différence fondamentale du Centre avec beaucoup d'associations et d'organisations qui dépendent d'un tel gouvernement et d'un tel parti politique est bien dans son indépendance de ceux-là. L’indépendance du Centre du pouvoir politique en place et de tout parti politique d'opposition est un de ses principes de base. Ce principe de base se conjugue avec l'autre principe qui est de refuser la néfaste censure et de soutenir conséquemment la liberté sans condition pour toutes et tous. Et comme c'est le pouvoir en place qui restreint cette liberté, le Centre se voit obligé de se battre contre le pouvoir et à ce moment-là son activité devient politique.
Le Centre des écrivains d'Iran a publié son communiqué le 10/02/2014. Le 10 février 1979 l'insurrection armée du peuple commençait en Iran pour que le lendemain le régime du chah soit renversé, un régime qui se disait "l’ilot de la stabilité" de la région, un régime qui avait en tout cas une des armées les plus fortes de la région.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire